LA MARE AUX CLOCHES

 

Il y a bien longtemps trois merveilleuses cloches d’argent étaient suspendues dans le clocher de la Mutterkirche à Farschviller. Leur joyeux carillon réjouissait le cœur des hommes et leur faisait oublier peines et soucis.

Il arriva, pendant la guerre de Trente ans, qu’une nuit, une bande de pillards envahit la région et mit le village à sac.

 

Un des chefs eut vite fait de découvrir les fameuses cloches. Avec quelques complices, il escalada la tour, décrocha les cloches qu’il immergea dans une mare des alentours avec l’intention de les retirer après la guerre pour les vendre.

 

Le lendemain, les habitants du village attendirent, en vain, le son familier de leurs chères cloches. On se mit à leur recherche, on fouilla partout, mais elles restèrent introuvables. A regret, chacun s’en retourna chez soi, découragé, abattu et triste à en pleurer.

 

Le temps et la guerre ne voulaient toujours pas finir. Au village, on ne parla plus des cloches, jusqu’au jour où …

 

C’était aux environs de Noël, ou bien de Pâques…

Un paysan vint à passer près de la mare, lorsque soudain,  il lui sembla percevoir comme, venant de très loin, un joyeux carillon. Intrigué, il s’arrêta. Non, ce n’était pas l’angélus qui résonnait dans le clocher d’un village des alentours. Il reprit sa marche et à mesure qu’il s’approchait de la mare, la sonnerie s’amplifiait. Plus de doute : cela provenait du fond de la mare.  Notre brave paysan comprit qu’il venait de trouver, après tant d’années, la cachette des cloches volées.

 

Vite, il alerta les gens du village. On prépara outils, voitures, chevaux et tout le monde se dirigea vers la mare en riant, en chantant. Tous se mirent à l’ouvrage. Mais les heures passèrent et la gaieté fit, peu à peu, place à la tristesse et au découragement. La mare était si profonde que, malgré les efforts surhumains qu’ils avaient accomplis, ils n’arrivèrent pas à repêcher les cloches. Cette mare semblait être un abîme sans fond.

 

Depuis ce jour, l’histoire de la mare aux cloches se transmet de génération en génération.

 

Mais, s’il arrivait que vous passiez par là, au temps de Noël ou bien de Pâques,  vous pourriez peut-être entendre un lointain carillon, le carillon que les cloches d’argent vous envoient en message de paix, en message de bonheur …

 

 

 

LA MARE AUX SUEDOIS

 

Pendant la guerre de Trente Ans (1618-1648), des Suédois envahirent la Lorraine. Cette guerre fut un  véritable désastre,  puisque la plupart des villages et fermes de la région furent détruits et des milliers de personnes massacrées.

 

Parmi les Suédois, il y avait un capitaine qui n’aimait pas la guerre et qui avait quitté son pays à contrecœur car il y avait laissé sa fiancée. Avant son départ, la jeune fiancée lui avait promis de lui rester fidèle quoiqu’il advienne.

 

Or, cette scène avait été observée par un rival, lui aussi amoureux de la jeune fille. Fou de rage et de dépit, le rival jaloux attendit le moment propice pour se débarrasser du jeune capitaine.

 

L’armée suédoise avait traversé bien des pays avant de parvenir jusqu’à chez nous. Elle fit halte dans la grande forêt sombre entre Cappel et Farschviller.

Non loin de là, il y avait une mare entourée de broussailles. Un soir, le capitaine s’y retira pour contempler une mèche des cheveux blonds de sa bien-aimée qu’il conservait précieusement près de son cœur quand, soudain, il lui sembla ressentir une présence près de lui. Mais avant de pouvoir réagir, il se sentit projeté à l’eau et, en dépit de sa force, il ne put se dégager de la poigne malveillante de son rival. Lorsque les secours arrivèrent, il était déjà trop tard : les eaux s’étaient refermées sur lui.

 

Si l’assassin réussit à s’échapper, il trouva toutefois un fort juste châtiment quelque temps plus tard, lorsqu’une balle ennemie lui déchira la poitrine.

 

A l’annonce du décès du capitaine, la jeune fiancée tomba dans un chagrin tel qu’elle mourut et rejoignit ainsi son bien-aimé dans l’éternité.

 

 

Du temps de mes jeunes années, il y avait encore des personnes qui affirmaient que, certains soirs, près de la mare, quand la brume et le brouillard enveloppent le paysage dans leur nappe de coton, une forme blanche hante cet endroit maudit : ne serait-elle point l’âme damnée du meurtrier qui, sur les lieux mêmes de son crime, cherche à obtenir le pardon pour son geste misérable ?

 

LA VIERGE MIRACULEUSE

 

Pendant la Révolution Française et les persécutions qui s’en suivirent, une statue de la Vierge, en bois, avait la place d’honneur dans une armoire vitrée du moulin de Farschviller.

 

Un prêtre réfractaire avait trouvé asile chez le meunier. Les moulins, souvent à l’écart des villages, procuraient souvent de bons refuges aux brigands et aux fugitifs.

 

Un jour, alors que le prêtre s’entretenait avec le meunier, tous deux perçurent de légers chocs de verre. En tendant l’oreille, ils durent se rendre à l’évidence que le bruit n’était autre que  celui de la Vierge frappant contre la vitre de sa niche.

Revenus de leur stupeur, ils comprirent que c’était là un avertissement du ciel qui voulait, sans doute, les prévenir d’un danger.

Le prêtre ramassa rapidement ses affaires et courut chercher refuge dans la forêt toute proche.

 

A peine avait-il quitté la maison qu’une troupe de soldats apparut, encercla le moulin qu’ils fouillèrent de fond en comble, mais en vain.

Furieux, ils y mirent le feu et bientôt il ne resta qu’un tas de cendres fumantes.

 

Seule la statue de la Vierge fut miraculeusement préservée des flammes et on la trouva intacte sous les décombres. 

Quelques temps après, la statue dut être emmenée à Farébersviller.

On la mit sur une charrette attelée à des bœufs et une foule nombreuse lui servit de cortège jusqu’à la sortie du village.

Arrivé à la hauteur de la Mutterkirche, l’attelage stoppa net et en dépit des coups qui pleuvaient sur leur dos, les bœufs, au lieu d’avancer, se couchèrent au milieu du chemin.

Tous comprirent alors qu’une puissance mystérieuse s’opposait à ce que les bœufs aillent plus loin.

On en conclut que la Vierge ne voulait pas quitter notre village.

 

La statue fut placée dans la chapelle de la Mutterkirche, mais nul ne sait ce qu’il est advenu d’elle.

 

POURQUOI A-T-ON CONSTRUIT

LA MUTTERKIRCHE A CET ENDROIT ?

 

 

Au 12ème siècle , à l’époque de la construction de la première église Saint Denis, que tous connaissent sous le nom de Mutterkirche, un différend s’éleva entre les paroissiens de Cappel et ceux de Farschviller, chacun d’entre eux voulant que l’église soit édifiée près de leur village. Finalement, ‘‘la poire fut coupée en deux’’ et il fut décidé que le bâtiment serait élevé dans la ‘‘Cappler Schnees’’, au delà de la ‘‘Steinenbrück’’.

Les matériaux y furent donc rassemblés.

 

Mais entre temps, les Farschvillérois, revenus sur leur décision, voulaient à tout prix que l’église se situe près de leur village. Ils se réunirent en grand secret pour trouver une solution à ce grave problème ... et ils la trouvèrent.

Il fut décidé que tous les propriétaires de charrettes, brouettes et chariots se réuniraient à la tombée de la nuit pour transporter tous les matériaux à un endroit situé à proximité de Farschviller.

 

Le soir même, ils se mirent au travail. Et pendant toute le nuit, ce fut une longue procession de chars à bœufs, de charrettes et de brouettes depuis la ‘‘Cappler Schnees’’ jusqu’à l’emplacement choisi. Le jour commençait à poindre tandis qu’une équipe s’employait à effacer les traces de l’activité nocturne.

 

Dans la matinée, quand les habitants de Cappel arrivèrent sur les lieux, plus aucun matériau : tout avait disparu ! Tous se mirent à leur recherche, et lorsqu’enfin les matériaux furent retrouvés, ils crièrent au miracle !

 

Et les Farschvillérois crièrent encore plus fort que tous les autres … puisque aucune empreinte de roue n’était visible !!!

 

N’osant aller contre la volonté du Tout Puissant qui, par ce miracle, avait choisi lui-même l’emplacement de sa nouvelle demeure, l’église Saint Denis fut construite à l’endroit où, aujourd’hui encore, s’élève son clocher.

 

 

Cette anecdote légendaire fut contée, en 1968, par Alphonse DONATE, le garde-champêtre.